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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

on obtint de lui de désigner l’ambassade de Rome comme à sa convenance. Elle était occupée par le duc de Laval que monsieur de Chateaubriand professait aimer beaucoup, mais cela ne l’arrêta pas un instant. Monsieur de Laval fut rappelé immédiatement, à sa grande désolation, et nommé à l’ambassade de Vienne où il remplaça le duc de Caraman.

Celui-ci avait été mandé par un courrier qui n’expliquait pas le motif de cet ordre soudain. Il se crut destiné au ministère, se jeta dans une chaise de poste et arriva avec une célérité incroyable. Grande fut sa déconvenue quand il fut averti que toute cette hâte n’avait servi qu’à l’éloigner d’un poste où il se plaisait infiniment.

Monsieur de Chateaubriand se résigna à aller passer quelques mois à Rome, en laissant ses intérêts entre les mains de partisans qu’il croyait disposés à les bien exploiter.

À peine débarrassé de cet incommode candidat, monsieur de La Ferronnays eut à en subir un autre. Monsieur de Polignac revint de Londres et se prit à intriguer autour du Roi. Monsieur de La Ferronnays m’a raconté la façon dont il s’en était expliqué avec lui. Il avait placé son portefeuille sur une table, entre eux, et lui avait dit :

« Le veux-tu ? Prends-le franchement, je n’y tiens pas, et je vais de ce pas le dire au Roi ; mais, si je dois rester ministre, je ne puis ni ne veux souffrir ta présence ici et les intrigues auxquelles elle donne lieu. »

Monsieur de Polignac balbutia quelques méchantes excuses.

« Eh bien, en ce cas-là, reprit monsieur de La Ferronnays, si tu ne prétends pas rester pour être ministre, pars tout de suite pour Londres. »

Jules fut obligé de prendre ce parti, car il n’aurait pu s’arranger avec les collègues de monsieur de La Fer-