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ÉCHEC DE MONSIEUR DE CHATEAUBRIAND

nommé ministre de la marine. Il n’avait trouvé grâce qu’en promettant d’entraver les affaires, de manière à rendre promptement nécessaire un remaniement qui ramènerait monsieur de Chateaubriand sur la scène où son ambition l’appelait.

Quelque chagrin qu’eût le Roi des choix que la nécessité lui imposait, il fut un peu consolé par la pensée que, du moins, monsieur de Chateaubriand se trouvait exclu. Quoique monsieur de La Ferronnays ne lui fût nullement agréable, il le préférait encore.

De tous les ministres, celui des affaires étrangères se trouve le plus directement en contact avec le souverain. Ses attributions renferment les tracasseries qui font le sujet des conversations intimes et du commérage royal. Il faut une personne qui entende, comprenne et puisse entrer dans leurs plus petites susceptibilités, leurs préférences et leurs répugnances.

Sous ce rapport, monsieur de La Ferronnays était très bien choisi ; mais les princes n’avaient jamais pu lui pardonner sa rupture avec monsieur le duc de Berry, et il en était résulté un levain de mécontentement qui fermentait à chaque occasion.

Monsieur le Dauphin l’éprouvait si vivement que, dès l’instant où monsieur de La Ferronnays dut en faire partie, la faveur qu’il accordait au ministère nouveau subit une sensible altération.

Chacun sentait le besoin de neutraliser monsieur de Chateaubriand. Sans le vouloir pour collègue, on le redoutait comme ennemi, et le Roi ne trouvait aucun prix trop cher pour l’éloigner de ses conseils et de sa présence. On commença, sous prétexte de je ne sais quelle restitution, par lui donner une grosse somme d’argent pour payer ses dettes que, Dieu merci, il a toujours en permanence. Puis, à force de supplications,