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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

sadeur du Roi son père, le marquis de Marialva, pour en obtenir de l’argent. Elle avait été accompagné de formes si menaçantes que le pauvre marquis avait dû fuir et appeler au secours contre le forcené qui le poursuivait le couteau à la main. Déjà valétudinaire, il ne s’était pas relevé d’une si chaude alarme. Quoique ce genre d’illustration fût peu attrayant, il m’avait inspiré la curiosité de voir dom Miguel qu’on prétendait réformé par les bonnes inspirations de monsieur de Metternich.

On donna un spectacle aux Tuileries à son occasion et j’en profitai avec empressement.

Au lieu du tyran, à physionomie sombre, que je m’attendais à trouver, je vis arriver, avec notre famille royale, un jeune homme d’une figure charmante, ayant l’air noble, distingué, le sourire doux, le regard calme et brillant, le geste gracieux. Placé entre madame la Dauphine et madame la duchesse de Berry, il s’entretint avec elles d’un air d’aisance intelligente. En un mot, il ne ressemblait, en aucune façon, à la bête farouche que j’allais chercher à ce spectacle.

Le dimanche suivant, il y eut assemblée chez madame la duchesse de Berry ; j’y fus invitée. Dom Miguel s’y montra également prince gracieux et homme de bonne compagnie. Il parlait à presque toutes les femmes. La curiosité nous amenait autour de lui, et nous faisions cercle dans un moment où un de ses aides de camp lui nomma un portugais, je crois, qui demandait à lui être présenté. Il tourna sur lui-même, comme sur un pivot, lança en s’éloignant un regard qui nous fit toutes reculer. Le tigre était retrouvé. Je ne puis exprimer comment, dans l’espace de moins d’une seconde, les beaux traits de son visage s’étaient subitement déformés et avaient produit un aspect hideux. Il fut quelque temps à reprendre sa beauté. L’aide de camp resta comme trans-