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CHUTE DE M. DE VILLÈLE

tieux. C’est le sort des instruments fondés par les oppositions qu’ils échappent promptement aux mains qui les ont créés pour tomber dans de plus dangereuses.

Pendant que les esprits s’échauffaient au foyer électoral, on livrait au parti prêtre la nomination de soixante seize pairs. Ils furent choisis, presque exclusivement, parmi les congréganistes les plus zélés.

Tout le monde a vu la liste faite chez monsieur de Rivière, colportée par monsieur de Rougé, corrigée par les affidés et imposée à monsieur de Villèle qui l’aurait voulue autrement composée mais adoptait l’idée d’une nomination assez nombreuse pour dénaturer l’esprit de la majorité dans la Chambre haute.

Or, c’était là ce qui révoltait le pays ; car la sagesse de la pairie venait de le protéger contre les invasions du despotisme clérical ; et, dans ce moment même, il profitait de la clause habilement introduite dans la loi du jury sur la rectification des listes électorales pour échapper aux fraudes commises en 1824.

Cette Chambre était donc fort populaire, et la violence qu’on lui faisait exaspéra l’opinion publique qui s’était accoutumée à y chercher protection bien au delà de ce que monsieur de Villèle avait prévu.

Je me rappelle à ce sujet un dialogue qui me fut répété à l’instant même par un témoin auriculaire. Le président du conseil, descendant l’escalier du ministère de la marine, rencontra le sous-préfet de Saint-Denis qui le montait :

« Eh bien, monsieur le sous-préfet, vous répondez de votre élection.

— Non, monseigneur.

— Comment, vous aviez dit à monsieur de Corbière que vous en étiez sûr.

— Oui, monseigneur, mais c’était avant la nomination des pairs.