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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

laquelle figurait monsieur de Chateaubriand, trouvait le moyen de faire publier et circuler des brochures suffisamment volumineuses et assez irrégulièrement distribuées pour échapper à la censure établie contre les journaux et les écrits périodiques. Il en pleuvait autour de nous et on se les arrachait.

Monsieur de Salvady se distingua dans cette guerre de plume, et monsieur Guizot y tint une place importante, mais c’est plus particulièrement dans l’organisation des manœuvres électorales qu’il prit la première.

La précaution, si évidente, de presser les élections excita une grande animadversion. Quand le gouvernement veut attraper les masses, il faut que ce soit assez délicatement pour que tout le monde ne s’en aperçoive pas à la fois et que l’impression des uns soit usée avant que les autres se trouvent avertis ; mais, quand le piège est assez grossier pour être vu de tous en même temps, on peut être assuré de créer, à l’instant même, une énorme difficulté.

Comme par un mouvement électrique, il se forma, dans chaque arrondissement, une réunion protectrice des droits électoraux. Les fraudes, employées aux dernières élections par l’administration de monsieur de Villèle et sur le renouvellement desquelles il comptait bien, devinrent impraticables.

Les associations, composées de grands propriétaires, de gens de lettres, d’avocats, d’hommes politiques, déployèrent la plus grande et la plus intelligente activité. En restant toujours dans une complète légalité, elles se formèrent en comités correspondant entre eux et surtout avec le comité central siégeant à Paris, d’où monsieur Guizot dirigeait toute cette organisation.

C’est là le berceau de cette société : Aide-toi, Dieu t’aidera qui n’a pas laissé de jouer un rôle dans la chute de la monarchie et a fini par devenir un repaire de fac-