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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

occasion de stimuler son zèle personnel. Il n’était arrêté que par la crainte des obstacles qu’il rencontrerait.

La réception qui lui fut faite au camp de Saint-Omer, où les troupes l’accueillirent avec la satisfaction la plus marquée, ainsi que les hommages qu’il recueillit sur la route, même à Lille (ville notée pour mal penser), faisaient compensation au silence qui l’entourait à Paris ; et il crut pouvoir réaliser ses propres espérances en accomplissant les promesses qu’il n’avait cessé de faire.

Monsieur de Villèle en retardait l’exécution depuis longtemps ; mais son crédit était battu en brèche par des gens dont le pouvoir s’accroissait chaque jour des terreurs qu’on inspirait à Charles X pour son salut dans ce monde et dans l’autre.

Le Roi et ses amis réclamaient la restitution des biens du clergé et la reconnaissance des ordres monastiques. On les voulait dotés par l’État et propriétaires territoriaux. Monsieur de Villèle était loin d’admettre ces souhaits comme réalisables ; mais il voulait s’assurer une longue vie ministérielle. Ces deux volontés excentriques tombèrent d’accord sur la nécessité d’une nouvelle législature. Les ultras, avec toutes les illusions qui distinguent ce parti, ne doutaient pas qu’elle ne fût nommée dans leur sens ; et, de son côté, monsieur de Villèle comptait sur son habileté pour obtenir des députés à sa dévotion.

Il leur aurait, d’ailleurs, volontiers pardonné de se montrer récalcitrants aux prétentions des exaltés pour le trône et l’autel dont il était bien importuné mais qu’il osait d’autant moins brusquer qu’il se sentait miné dans l’esprit du Roi et que son crédit diminuait visiblement.

La Chambre des pairs offusquait, et le ministre tombait d’accord, avec les conseillers de la conscience du Roi, qu’une grande fournée de pairs était nécessaire pour y changer l’esprit de la majorité actuelle. En ajoutant cette