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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

revenant du champ de Mars, s’était arrêtée devant l’hôtel des finances, avait crié : À bas Villèle ! et brisé quelques vitres. Cette conduite, il faut le reconnaître, très coupable d’un corps sous les armes exaspéra d’autant plus le ministre qu’il apprenait, en même temps, que le Roi se tenait satisfait de sa propre réception.

Or, il ne lui convenait pas que leurs fortunes se trouvassent séparées. Il recueillit à la hâte et envenima tous les rapports qu’il put se procurer des propos tenus et des cris isolés jetés au champ de Mars, puis écrivit au Roi de ne point se prononcer avant de lui avoir donné audience.

Charles X se trouva préparé par les plaintes de madame la duchesse de Berry et le mécontentement de sa belle-sœur. En peu de minutes, monsieur de Villèle emporta la plus fatale mesure qui pût être adoptée.

Louis XVI avait perdu le trône dans son ardeur à se débarrasser de la pacifique opposition des anciens parlements. Charles X a renversé le sien en refusant toute barrière légale, oubliant la phrase si heureusement rédigée par monsieur de Talleyrand : On ne peut s’appuyer que sur ce qui résiste.

Au reste, je crois bien que le ministre, encore tout puissant à cette époque, n’avait pas calculé l’effet de son périlleux conseil.

La garde nationale était parvenue à cette inertie où elle tombe toujours dès que ses services ne sont plus nécessaires. Elle se montrait très peu empressée à peupler les corps de garde ; mais cette insulte gratuite réveilla son zèle.

Je faisais travailler à Châtenay et j’avais donné rendez-vous à plusieurs ouvriers de Paris pour le lendemain de la revue ; je partis, sans avoir lu le Moniteur et sous l’impression qu’elle s’était très bien passée. Les gens que