Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

connues à la Cour sous le titre des princesses combinées.

Le ton de cette société était monté à un degré d’enthousiasme et à une sensiblerie pour les petites choses qui semblaient très exagérés à notre génération, rappelée à la simplicité par l’importance des événements, mais qui ne manquaient ni de grâce ni d’obligeance. Un mot un peu heureux, échappé dans la conversation, était relevé avec une approbation qui allait souvent jusqu’à l’applaudissement manuel. Les exclamations : Qu’elle est charmante ! Qu’il a d’esprit ! etc., se distribuaient en face fort bénévolement.

Madame de Staël avait conservé quelque chose de cette tradition ; mais, plus jeune, elle l’arrangeait mieux aux habitudes du siècle dont elle avait davantage essuyé le frottement.

Dans le salon de madame de Poix, une histoire quelque peu attendrissante faisait couler une profusion de larmes ; c’était aussi un reste d’habitude de la jeunesse de ces dames où les cœurs sensibles étaient fort à la mode.

On racontait de la princesse d’Hénin, qui professait un sentiment passionné pour madame de Poix, qu’un soir où celle-ci était fort souffrante, madame d’Hénin fut obligée de la quitter pour aller faire son service de dame du palais à Versailles. Le lendemain matin, madame de Poix reçoit une lettre de sa jeune amie : « Elle lui écrit n’ayant pu dormir de la nuit ; elle a compté toutes les heures et, lorsque celle qui devait amener le redoublement a sonné, elle-même a ressenti une espèce de frisson. Elle en est tout épouvantée ! Serait-ce un pressentiment ? Elle ne peut résister à son trouble et fait partir un homme sur-le-champ. Elle ne vivra pas jusqu’au retour ; de grâce qu’on la rassure, etc., etc. »