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CERCLES CHEZ LE ROI

salle du trône. Les princes faisaient leur tournée, selon leur rang d’étiquette, parlant à tout le monde.

Le Roi se plaçait ensuite au jeu dans le cabinet du conseil où il n’y avait d’autre meuble que la table, son fauteuil et les trois sièges nécessaires aux personnes faisant sa partie. C’était ordinairement une femme titrée, un ambassadeur et un maréchal.

Madame la Dauphine se mettait à une table de jeu dans le salon du trône, madame la duchesse de Berry dans le salon de la Paix, madame la duchesse d’Orléans dans le salon bleu. Ces princesses nommaient pour leurs parties qui n’étaient établies que pour la forme. Chacun suivait leur exemple et s’attablait souvent sans toucher aux cartes.

Le Roi lui-même ne jouait pas sérieusement. Hommes et femmes allaient faire le tour de sa table ; cela s’appelait faire sa cour au Roi. On se plantait vis-à-vis de lui jusqu’à ce qu’il levât les yeux sur vous ; on faisait alors une grande révérence et ordinairement il adressait quelques mots aux postulants. Les très zélés répétaient cette cérémonie à la table de toutes les princesses.

Je ne saurais dire ce que devenait monsieur le Dauphin ; je crois qu’il s’en allait après la première tournée. Au bout d’une heure environ, le Roi donnait le signal ; tout le monde se levait ; il rentrait dans les salons. Les politesses alors étaient moins banales ; elles ne s’adressaient plus qu’aux élus.

C’est dans cette circonstance que j’ai vu Charles X, allant de député en député, les encourager du geste et de la voix pour obtenir leur vote. Il faisait aussi des frais vis-à-vis des pairs, mais on voyait que c’était avec moins d’abandon et de confiance. Monsieur de Villèle lui avait inspiré une sorte de jalousie de la pairie qu’il regardait comme trop indépendante.