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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

obérée à la mort de Louis XVIII et que c’était en lui présentant l’espoir d’en combler le déficit que monsieur de Villèle était parvenu à rendre Charles X si zélé pour sa loi du trois pour cent et l’arrangement fait à ce sujet avec la maison Rothschild ; mais ces propos étaient tenus par l’opposition ; et, je ne saurais assez le répéter, rien n’est si mal informé que les oppositions. Il ne faut guère les écouter quand on veut conserver de l’impartialité : soit qu’elles entrent sincèrement dans la voie de l’erreur, soit qu’elles mentent avec connaissance de cause, on ne trouve presque jamais la vérité dans leurs rangs. Ce qu’il y a de sûr, c’est que Charles X quêtait des voix pour la loi d’une manière si ostensible que, moi-même j’en ai été témoin au cercle des Tuileries.

Madame la Dauphine voulut animer la Cour, et, le deuil du feu Roi terminé, elle décida Charles X à donner des spectacles et des cercles. On annonça qu’il y en aurait chaque semaine. Cela ne dura guère. Bientôt le Roi et surtout monsieur le Dauphin s’en ennuyèrent.

Madame la duchesse de Berry, que cela gênait, n’y encourageait pas. Madame la Dauphine avait fait violence à ses goûts en cherchant à attirer plus de monde autour d’elle. Se voyant si peu secondée, elle y renonça, et, les dernières années, il n’y avait plus que deux ou trois cercles par hiver et point de spectacle, hormis pour les occasions telles que les visites de princes souverains.

Les cercles se tenaient dans les grands appartements, depuis le cabinet du Roi jusqu’au salon de la Paix. Toutes les personnes invitées devaient être réunies avant l’arrivée de la famille royale, car alors on fermait les portes et la sortie n’était pas plus permise que l’entrée. On n’admettait pas de distinction de pièces. Cependant les duchesses affectaient de prendre possession de la