Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
LES MARÉCHAUX DE L’EMPIRE

Mais leurs femmes, plus qu’eux-mêmes, avaient l’habitude de porter exclusivement le nom du titre. Il fallut bien finir par remarquer que, lorsque les domestiques avaient donné le nom de la duchesse de Dalmatie ou de Reggio, le valet de chambre proclamait la maréchale Soult ou la maréchale Oudinot. Cela devint encore plus marqué lorsque les belles filles, qui n’avaient jamais porté d’autre nom que celui du titre, se le virent refuser et que les duchesses de Massa et d’Istrie se virent annoncer comme mesdames Régnier et Bessières. Une explication devint nécessaire.

Il y eut un cri général de réprobation. Tout ce qui était militaire déserta en masse les salons de l’ambassade d’Autriche. Il faut rendre justice à qui de droit ; des personnes très ultra se montrèrent vivement offensées de cette impertinence [faite] à nos nouvelles illustrations. Il aurait été facile d’éviter cet esclandre ; mais le comte Appony n’était pas adroit et le baron de Damas, alors ministre des affaires étrangères, aussi borné qu’exclusivement émigré, ne comprenait pas que cela dût élever la moindre clameur.

Charles X ne s’en tenait nullement pour offensé ; il exigea même que les courtisans, attachés à sa personne, ne s’éloignassent pas de l’ambassade. Louis XVIII aurait ressenti cet affront par politique. Aussi la Cour de Vienne ne fit-elle pas cette entreprise pendant son règne. Après qu’on eut bien crié, que la société se fut divisée et querellée, les beaux bals et les élégants déjeuners ramenèrent bien du monde chez la comtesse Appony. Toutefois, la position de l’ambassadeur resta gauche et gênée. Beaucoup de gens ne voulaient pas aller chez lui et savaient mauvais gré au Roi de ne témoigner aucun mécontentement.

On a beaucoup dit que la liste civile se trouvait fort