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DISPOSITION DES PRINCES POUR L’ARMÉE

que du matériel des troupes. Quand il avait fait manœuvrer quelques bataillons, repris sévèrement un faux mouvement, remarqué une erreur dans l’uniforme ou le port d’arme, il se faisait l’illusion d’être un grand militaire et rentrait enchanté de lui-même.

Madame la Dauphine avait compris beaucoup plus habilement le rôle qu’il aurait dû jouer. Il n’y avait pas un officier dont elle ne connût la figure et le nom. Elle savait leur position, leurs espérances, leurs rapports de famille, ne prenait point les notes de l’aumônier, malgré sa haute piété, et mettait en avant le nom de monsieur le Dauphin toutes les fois qu’elle obtenait une faveur qui, d’ordinaire, était un acte de justice. Pour les jeunes officiers de la garde, sa protection avait quelque chose de maternel. Elle s’occupait de leur procurer des plaisirs aussi bien que de l’avancement, et bien des fois elle a fait lever des arrêts qui nuisaient aux joies du carnaval.

Aussi était-elle adorée par cette jeunesse pour laquelle elle faisait trêve à la sévérité accoutumée de sa physionomie. Elle se montrait ainsi la patronne de la jeune armée ; mais, en revanche, elle n’a jamais pu s’identifier avec les glorieux débris de la grande armée.

Monsieur le Dauphin y avait moins de répugnance et, sous ce rapport, reprenait l’avantage sur sa femme. Quant au Roi, l’émigré débordait en lui de toutes parts.

Louis XVIII ne manquait jamais de rappeler aux officiers de l’Empire les anniversaires des batailles où ils avaient figuré, déployant son incroyable mémoire dans le récit de marches et de manœuvres qu’eux-mêmes souvent avaient oubliées parmi les nombreux faits d’armes où ils avaient assisté, et arrivant à un souvenir flatteur et obligeant pour ceux à qui il s’adressait.

Charles X, au contraire, ne parlait jamais des guerres