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LE TITRE D’ALTESSE ROYALE

Quelques courtisans ayant essayé du Madame les premiers jours, elle reprit sévèrement : « Est-ce la duchesse de Berry dont vous voulez parler ? » Le Roi s’expliqua dans le même sens, et le Madame n’eut cours que parmi les personnes attachées à la maison de madame la duchesse de Berry, quelques familiers intimes et des subalternes cherchant à se faire bien voir. Madame de Gontaut, quoique gouvernante des enfants, le refusa et ce fut le commencement du refroidissement avec la princesse.

Charles X n’avait pas hérité de la maussaderie de Louis XVIII pour la famille d’Orléans ; il la traitait avec bienveillance ; et la sincère amitié qui existe entre madame la Dauphine et madame la duchesse d’Orléans avait adouci les répugnances de la fille de Louis XVI.

Le Roi donna à tous les princes d’Orléans le titre d’Altesse Royale, éteint depuis deux générations. Il faut être prince, et dès longtemps en butte à toutes les petites vexations de la différence de rang, pour pouvoir apprécier la joie qu’on en ressentit au Palais-Royal.

Malgré toutes les prétentions au libéralisme éclairé, l’Altesse Royale y fut reçue avec autant de bonheur qu’elle eut pu l’être au temps décrit par Saint-Simon. Il y a de vieux instincts qui n’admettent de prescription, ni du temps, ni des circonstances, tel effort qu’on fasse pour se le persuader à soi-même. Les d’Orléans sont et resteront princes et Bourbons, quand même.

Le lendemain de la mort du feu Roi, Charles x avait reçu à Saint-Cloud les grands corps de l’État. Il leur avait fait une déclaration de principe où on avait trouvé des assurances tellement plus libérales qu’on n’osait en espérer de lui que la joie en fût aussi vive que générale. Ces paroles, redites dans la soirée et répétées le lendemain dans le Moniteur, firent éclater dans Paris, et bien-