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MORT DU ROI

honteuse de cette acquisition et surtout de sa date. Elle n’a jamais osé habiter l’hôtel. Plusieurs années après, elle l’a vendu au duc de Mortemart.

Le Roi, ayant une fois pris son parti, montra la plus grande fermeté. Il donna lui-même les ordres pour que les cérémonies s’accomplissent avec toutes les formes usitées envers les rois ses prédécesseurs que sa prodigieuse mémoire lui rappelait dans tous les plus petits détails. Peu d’heures avant sa mort, le grand aumônier s’étant trompé en récitant les prières des agonisants, Louis XVIII le reprit et rétablit l’exactitude du texte avec une présence d’esprit et un calme qui ne l’abandonnèrent pas un moment.

La famille était réunie au fond de sa chambre et profondément affectée. Les médecins, le service, le clergé environnaient le lit. Le premier gentilhomme de la chambre soutenait le rideau. Au signal, donné par le premier médecin, que tout était fini, il le laissa tomber et se retourna en saluant les princes.

Monsieur sortit en sanglotant ; Madame se préparait à le suivre. Jusque-là, elle avait toujours pris, comme fille de roi, le pas sur son mari ; arrivée à la porte elle s’arrêta tout court et, à travers les larmes sincères dont son visage était inondé, elle articula péniblement : « Passez, monsieur le Dauphin ». Il obéit sur-le-champ à l’appel, sans remarque et sans difficulté.

Le premier gentilhomme annonça : le Roi ; les gardes du corps répétèrent : le Roi et Charles X arriva dans son appartement.

Des voitures étaient déjà attelées. Il en ressortit aussitôt, avec toute sa famille, pour se rendre à Saint-Cloud, selon l’usage des rois de France qui ne séjournent jamais un instant dans le palais où leur prédécesseur vient de rendre le dernier soupir.