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RENVOI DE M. DE CHATEAUBRIAND

démolir de ce côté. Monsieur de Villèle prétendit qu’il avait voté contre la loi sur la réduction des rentes.

Monsieur de Chateaubriand l’a toujours nié ; mais il convenait volontiers que la loi lui semblait intempestive et dangereuse et s’en exprimait librement dans son salon. Toutefois, il n’existait aucun dissentiment ostensible entre lui et ses collègues, lorsqu’un dimanche il se présenta à la porte de Monsieur pour lui faire sa cour. L’huissier lui répondit qu’il ne pouvait entrer. Monsieur de Chateaubriand y fit peu d’attention ; il était tard, il crut la porte fermée et Monsieur déjà passé chez le Roi. Il se hâta de descendre pour arriver dans le cabinet. En passant la première porte, il vit de l’hésitation dans les huissiers et les gardes du corps. Enfin l’officier s’avança vers lui et lui dit, du ton le plus respectueusement peiné :

« Monsieur le vicomte, nous avons la consigne de ne vous point laisser entrer. »

Il était sous le coup de l’étonnement, lorsque monsieur de Vitrolles, son ami, lui dit :

« Vous ne venez donc pas de chez vous ?

— J’en suis sorti il y a une heure.

— Eh bien, vous avez manqué une lettre qui vous y attend. »

Monsieur de Chateaubriand y courut, et trouva une ordonnance qui réclamait le reçu d’une dépêche, fort laconique, portant que le Roi n’avait plus besoin de ses services. Monsieur de Chateaubriand signa le reçu de sa propre main, envoya chercher une demi-douzaine de fiacres, y jeta ses effets pêle-mêle et, avant que sa pendule eût sonné l’heure commencée, écrivit à monsieur de Villèle que les ordres du Roi étaient accomplis et l’hôtel des affaires étrangères, aussi bien que le portefeuille, à la disposition du président du conseil.

La manière dont il avait quitté cet hôtel, en plaisant à