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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

plissement des promesses faites aux émigrés. Le ministre y ajouta de sa propre invention la conversion des rentes cinq pour cent en trois pour cent. C’était de toutes ces lois la seule à laquelle il tint sérieusement.

Les élections, faites avec des fraudes éhontées, avaient amené à la Chambre des députés une majorité compacte qui votait selon le bon plaisir du ministre. Il n’eut pas de peine à faire accepter par elle les élections septennales.

La Chambre des pairs, persuadée que cette nouvelle organisation était meilleure et plus gouvernementale, l’adopta, quoiqu’un grand nombre des pairs, qui votèrent en sa faveur, reconnussent l’inconvénient de prolonger, entre les mains du parti contre-révolutionnaire, un instrument aussi dangereux que la Chambre des députés telle qu’elle était composée. Mais là s’arrêta leur complaisance, et l’utilité du gouvernement représentatif et de la pondération des pouvoirs ne s’est peut-être jamais fait mieux sentir qu’à cette époque.

La Chambre des députés étant servile autant que puérilement aristocratique, celle des pairs se montra indépendante et libérale ; et les lois du sacrilège, du droit d’aînesse, de la réduction du taux des rentes, de l’indemnité, etc., furent ou repoussées, ou amendées de manière à perdre leur caractère de lois de parti.

Monsieur de Villèle s’était bien mordu les doigts d’avoir fait exception à son goût pour les médiocrités en appelant monsieur de Chateaubriand au pouvoir. Dès les premiers moments, il avait été trompé dans son espérance de trouver en lui un appui contre la guerre que la Cour, la sacristie et la Sainte-Alliance souhaitaient porter en Espagne.

Monsieur de Villèle, en se voyant joué, s’était promis de se venger. Monsieur de Chateaubriand n’avait aucune faveur auprès du Roi et des princes ; il était facile à