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MADAME DE DURAS SE FAIT AUTEUR

avait représentées ; mais elle est plus excusable qu’aucune autre personne de s’être jetée dans la guerre civile, car c’était son rêve depuis l’âge de douze ans.

Sa belle-mère, la princesse douairière de Talmont, à qui le mariage avec monsieur de La Rochejaquelein plaisait, principalement, je crois, parce qu’il désolait la duchesse de Duras, conserva le nouveau ménage chez elle. Elle a laissé toute sa fortune à Félicie qu’elle semblait aimer passionnément et qui était encensée jusqu’à la fadeur dans le petit cercle de cet intérieur. Je lui ai entendu adresser cette phrase par un des habitués de sa belle-mère :

« Princesse, permettez-moi de prendre la liberté de vous dire que vous avez toujours parfaitement raison. » Je n’en ai jamais oublié l’heureuse rédaction.

Madame de Duras cherchait, quoique un peu honteusement, à recueillir la succession de madame de Staël. Elle était elle-même effrayée de cette prétention et aurait voulu qu’on la reconnût sans qu’elle eût à la proclamer. Ainsi, par exemple, n’osant pas arborer le rameau de verdure que madame de Staël se faisait régulièrement apporter après le déjeuner et le dîner et qu’elle tournait incessamment dans ses doigts, dans le monde comme chez elle, madame de Duras avait adopté des bandes de papier qu’un valet de chambre apportait in fiocchi sur un plateau après le café et dont elle faisait des tourniquets pendant toute la soirée, les déchirant les uns après les autres.

Elle s’occupait dès lors à écrire les romans qui ont depuis été imprimés et auxquels il me semble impossible de refuser de la grâce, du talent et une véritable connaissance des mœurs de nos salons. Peut-être faut-il les avoir habités pour en apprécier tout le mérite. Ourika retrace les sentiments intimes de madame de Duras. Elle a peint sous cette peau noire les tourments que lui