Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

un prince adoré ! Il serait bien doux d’y pouvoir croire ! Mais, voyez-vous, d’Osmond, ils crieraient à l’eau, tout aussi volontiers si on les y poussait. »

Au moins ne se faisait-il pas illusion sur sa popularité, malgré les adulations dont les gens qui avaient le plus cherché à le déjouer et à empoisonner sa conduite vis-à-vis du Roi et du public l’étourdissaient. Il en était fort contrarié et l’a souvent témoigné avec son peu de bonne grâce accoutumée, mais avec beaucoup de jugement.

Personne plus que lui n’était impatienté de l’abus fait de ce malheureux nom du Trocadéro. L’esprit courtisan l’avait donné à tout, depuis un ruban jusqu’à une salle de festin à l’hôtel de ville, depuis un joujou du duc de Bordeaux jusqu’à l’arc de triomphe de l’Étoile. Toutefois, monsieur le duc d’Angoulême s’opposa formellement à ce dernier baptême, et cette ridicule appellation tomba vite en désuétude.

Je me livre avec complaisance à parler de monsieur le duc d’Angoulême en ce moment. C’est certainement la plus belle année d’une vie si éprouvée par le malheur. Ce pauvre prince méritait un meilleur sort ; mais la fortune, son éducation, son père, ses entours et même ses vertus lui en ont préparé un si déplorable que l’histoire elle-même l’accablera de dédains, sans rendre justice à des qualités réelles.

Si monsieur le duc d’Angoulême s’était trouvé succéder immédiatement à Louis XVIII, la Restauration aurait probablement marché dans des voies assez sages pour se concilier les suffrages du pays. Pendant bien des années, toutes les espérances se sont tournées vers lui, et c’est seulement lorsqu’on l’a vu suivre les traces de son père que les orages se sont pressés autour du trône et que la foudre populaire l’a renversé.