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religion. Oui, Messieurs, je le pense comme je le dis, Paris est un monstre dans le corps politique. Cette cité, plus coupable que Sodome et Gomorrhe, a attiré sur sa tête les vengeances divines et humaines et je crois que tous les moyens qui tendent à son abaissement sont bons et honnêtes. C'est ce sentiment qui dicta mon opinion sur l'imposition foncière, secondé par celui de rendre dans ces temps malheureux votre position pécuniaire moins pénible.

Voilà, Messieurs, le tableau succinct et fidèle de ma conduite à l'Assemblée ; si j'ai donné dans quelque erreur, ma conscience ne me fait aucun reproche et mes motifs me servent d'excuse. J'ai quitté l'Assemblée au mois d'octobre 1790, je l'ai abandonnée parce que j'ai pensé qu'une Assemblée qui ne reconnaissait plus de noblesse ne devait pas avoir dans son sein des députés qui ne tiennent leurs pouvoirs que de la noblesse ; je l'ai quittée parce qu'abusant des bontés du roi qui nous avait rassemblés pour son bonheur et celui de ses sujets, on augmentait tous les jours son esclavage, l'on attaquait sans cesse son autorité, et que la résistance, bien loin d'arrêter les forfaits des factieux, n'a jamais procuré d'autre effet que celui d'accroître leur audace ; je l'ai quittée parce que j'ai vu que le crime, dirigé par l'esprit de parti, conduisait toutes ses démarches ; je l'ai quittée enfin parce qu'il ne peut y avoir de réunion entre les factieux et les amis du trône, entre le crime et la vertu. Ah ! combien de fois n'ai-je pas fait mes efforts pour amener l'esprit de paix, qui seul doit présider aux délibérations publiques ; que de démarches n'ai-je pas faites pour que chacun se dépouillât de tout amour-propre, de toute prétention injuste. Je connaissais peu les hommes mais j'aimais la paix, je craignais une guerre civile. J'ai pourtant lieu de croire que les différents partis m'ont rendu justice parce qu'ils ont vu que le seul but qui a dirigé mes démarches a été celui du bonheur général, bonheur qui ne pouvait avoir lieu que quand la concorde et la paix règneraient dans l'Assemblée. Pendant mon séjour chez moi, j'ai cherché à y maintenir la tranquillité et j'ai quitté ma patrie lorsque mon honneur me l'a commandé,