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qu’il y a des abus, de très-grands abus ; le roi en est convenu, ne pas vouloir les attaquer là où ils sont ce serait se rendre coupable envers ses commettants et envers sa conscience ; maintenons le calme et la tranquillité dans nos provinces, sauvons par notre conduite nos mandataires et la rage des scélérats ; voilà quel fut mon plan dans le principe, la suite m’a démontré qu’il n’était pas dépourvu de vues saines, et j’ai la satisfaction de croire que mes conseils de prudence et de paix ont évité à mon pays la désolation qui a ravagé son voisinage.

Vous vous rappelez, Messieurs, tous les débats qui eurent lieu sur la grande question relative aux biens du clergé. C’est sur cette matière que s’exercèrent les talents de nos orateurs, elle devint pour eux un sujet inépuisable de sophismes qu’ils présentèrent avec tout l’art dont ils étaient capables, et sous les apparences trompeuses de la vérité et du bien public. C’est avec tous ces moyens qu’ils m’ont induit dans le piége , qu’ils ont trompé ma bonne foi et ma religion. Je les rends responsables de mes erreurs, elles ne furent jamais celles de mon coeur. ― Lorsque j’opinai pour que les biens du clergé fussent à la disposition de la nation, j’étais bien loin de croire que le patrimoine des autels deviendrait un jour celui des brigands et des scélérats, je ne voyais qu’une répartition plus juste et plus égale. Voilà quels furent mes motifs, ils sont aussi purs que les sentiments qui m’animent, je proteste contre toutes les conséquences qu’on a pu tirer d’un principe simple par lui-même, contre la spoliation du clergé et surtout contre les crimes et la violence de ces hommes impies qui ont osé porter atteinte à la religion de mes pères pour laquelle tout le monde connaît et mon attachement et ma fidélité.

La réforme et la correction des abus était un des articles les plus impératifs de mon mandat et un de ceux qui m’étaient le plus expressément ordonné, je puis dire que c’est le seul qui ait été l’objet de toutes mes pensées. ― Dans les diverses parties du gouvernement et de l’administration, celle qui me paraissait le plus susceptible de réforme, celle dans laquelle il s’était glissé le plus d’abus, était sans doute la distribution des grâces et pensions.