Page:Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, tome 11.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moment de calme, parvinrent à me sauver, et je retrouvai enfin ma famille qui, errante à pied, avait été se réfugier dans la ville de Saint-Affrique. La position cruelle où elle était réduite, les menaces continuelles qu’on ne cessait de faire, voilà les causes qui m’empêchèrent de me rendre auprès de vous, et ce fut avec une vive douleur que j’appris que vous n’aviez pas accepté ma démission. Je sentais, je le répète, que je n’étais nullement propre à la chose publique, j’avais parfaitement connu mon insuffisance et mon dégoût à cet égard, et, sans la persuasion où je fus que mon absence de l’assemblée mettrait vos personnes et vos propriétés dans le plus grand danger, et si enfin je n’eusse craint le même danger pour ma famille , j’aurais persisté à refuser vos pouvoirs malgré le décret de l’Assemblée rendu au sujet de mon arrestation et le passeport qu’elle me fit expédier pour me rendre dans son sein.

Mon absence dura plus de deux mois et je ne me suis pas trouvé aux arrêtés du 4 août qu’on peut considérer comme le tombeau de la monarchie, à la déclaration des droits de l’homme qui est le germe de la licence et de l’anarchie, ni au veto suspensif qui ôte à la couronne sa plus belle prérogative ; enfin je n’ai assisté ni donné ma voix à aucun des principes fondamentaux de la nouvelle constitution. — Je ne retracerai point ici les scènes horribles de l’évènement affreux des 5 et 6 octobre qui eurent lieu sept ou huit jours après mon retour ; ma plume se refuse à peindre un aussi noir tableau, et vos âmes ont dû être trop affectées de ces indignités pour que je ne veuille pas chercher à rouvrir les plaies que ces deux journées ont fait naître dans le coeur de tout honnête homme et de tout bon Français. Les suites m’ont pafaitement démontré que la faction d’un prince que la voix publique couvrit d’opprobres fut le moteur secret de cet attentat sur lequel je reviendrai.

Eloigné de toute idée qui pût avoir rapport à aucun intérêt particulier, isolé avec moi-même au milieu de l’agitation des affaires publiques, je cherchai à me faire un plan de conduite et je raisonnai ainsi : il est certain