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depuis en s'occupant à faire fermenter les têtes d'une populace énorme qui venait les écouter avec constance dans des galeries pratiquées sans doute pour des motifs coupables. C'est lorsque le peuple fut échauffé, c'est après des conférences entre les trois ordres où celui du Tiers ne voulut entendre à aucun arrangement, que ce même Tiers, fort de quelques curés, se constitua en Assemblée nationale et rendit le même jour un décret qui annulait toutes les impositions.

La cour sentit alors jusqu'où pourrait aller leur audace, et le roi tint cette séance à jamais mémorable du 19 juin où Sa Majesté rendit une déclaration qui était faite pour le bonheur du peuple et qui était l'expression de tous les cahiers. Quoique tout ce qu'elle renfermait ne fût pas conforme à vos intentions, je crus que nous ne devions pas laisser échapper cette marque des bontés du roi et je fus de l'avis de l'adopter. — Bien loin de sentir tout le bien que le roi venait de faire à son peuple, ce même peuple entra en fureur, poussé par le Tiers-Etat qui cassa le même jour tout ce que le roi venait de faire. L'on nous fit pressentir alors tous les excès auxquels on pour- rait se porter ; nous avions d'ailleurs une minorité dis- posée à passer au Tiers-Etat, et j'ai toujours pensé qu'à cette époque il n'y avait que deux moyens à prendre, celui d'abandonner les Etats-généraux ou celui de transi- ger avec le Tiers-Etat.

Nous ne prîmes ni l'un ni l'autre parti, et la minorité de la noblesse, ainsi que la majorité du clergé, se réuni- rent avec le Tiers-Etat. Alors le peuple ne garda aucun frein; les gardes françaises corrompues, la populace soudoyée furent sans doute les premiers moyens qui furent employés. Enfin le roi, effrayé de la position où il se trouvait lui-même ainsi que sa famille, nous ordonna de nous réunir, et monseigneur le comte d'Artois, que là Providence a formé pour sauver l'empire, nous engagea à obéir aux ordres du roi; nous obéîmes, en effet, mais mon collègue et moi crûmes qu'il était de notre devoir de protester contre cette réunion. Nous nous en fîmes con- céder acte par MM. de Lalli-Tolendal et Mounier, secré-