Page:Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, tome 11.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

enfant si loin en arrière de l'autre, après tout, l'amener, dans le même espace de temps, aussi loin que lui en avant. Si donc on prétendait faire marcher ces deux éco- liers du même pas, il faudrait singulièrement retarder le pas de l'entendant pour que le jeune sourd le pût sui- vre, et l'on sacrifierait ainsi, à la simple unité peut-être que le sourd-muet constituera dans une école, tout le reste, c'est-à-dire la totalité, moins cette unité, des éco- liers. Que si l'on voit la main du petit sourd-muet exécu- ter la même tâche de copie qu'exécute la main de ses camarades parlants, on ne saurait d'un autre côté se faire illusion sur la valeur du travail inconscient qu'il accom- plit ainsi, et un instituteur consciencieux et éclairé ne s'en contentera assurément pas.

Il est, sans doute, à désirer, selon nous, que le jeune sourd-muet soit, au même âge que son frère parlant, admis à fréquenter l'école primaire , et il peut parfaite- ment là prendre part à tous ceux des exercices qui s'ensei- gnent aux yeux et s'exécutent par la main. Il peut s'y habituer, par conséquent, à reconnaître et à former les caractères de l'écriture et les figures les plus simples du dessin linéaire. Mais il faut qu'il passe, ensuite, de l'école primaire de sa commune à un établissement spécialement consacré à l'instruction d'enfants dans la même situa- tion d'exception que lui, et il est éminemment désirable que, cette instruction, il la reçoive dans l'institution spé- ciale la plus rapprochée possible de la résidence de sa famille, établissement qui sera en définitive sa véritable école primaire à lui ; car l'autre n'a pu être à son égard qu'un équivalent, précieux pourtant, de la salle d'asile de l'entendant. L'une des cinquante et quelques institu- tions de sourds-muets que nous comptons actuellement en France mettra à sa portée de modestes, mais nécessaires, connaissances, qu'il n'a pu, comme son frère entendant, acquérir à l'école communale. Le sourd de naissance, qui aura ainsi reçu son instruction primaire, viendra enfin à l'institution nationale, s'il est un de ces jeunes gens qui eussent fait les études libérales sans l'infirmité qui les a atteints , et, pour lui, cet établissement offrira, dans sa division supérieure, l'analogue du collége ou du lycée où son frère fait ses classes universitaires.