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qu'il est rationnel qu'il soit, l'introduction de leur élève à l'intelligence et à l'emploi d'un autre moyen de commu- nication , précisément, que ses signes, c'est-à-dire à l'in- telligence et à l'emploi de la langue de son pays, à laquelle son infirmité ne lui a pas permis d'arriver par la voie naturelle, celle qui se trouvait ouverte pour son frère entendant.

Atteindre ce but offre quelque difficulté , sans doute ; mais c'est une difficulté que nous ne voudrions pas davan- tage exagérer que ne l'a voulu l'abbé de l'Epée.

« Il est bien à désirer, » dit-il dans sa première publi- cation, la lettre qui accompagnait le programme de l'exer- cice public de ses élèves en 1771, « il est bien à désirer qu'on se défasse de ce préjugé que l'instruction des sourds-muets est une opération très-difficile. »

Quelques-uns des maîtres, ses successeurs, s'isolant avec une certaine complaisance dans leur oeuvre, ont, pour un temps , laissé cette oeuvre revêtir aux yeux du public un caractère d'étrangeté, voire même de merveil- leuse , qui en a, croyons-nous, mal servi la cause. Ce regrettable vernis est heureusement tombé aujourd'hui , et quelque particulière que soit, pour l'écolage, la posi- tion que fait au sourd-muet son infirmité, on ne voit plus, pour instruire cet enfant, la nécessité d'une méthode sans analogie avec celle qui convient à l'enfant ordinaire. La voie du connu à l'inconnu est ouverte pour lui comme pour son frère, et les sens qui restent au sourd-muet ont trop d'activité pour que son esprit, au début même du cours d'instruction, puisse être encore présenté comme à cet état de table rase où l'on s'est, un moment, ima- giné le voir.

Ce n'est pas , du reste, que nous voulions, à la suite d'esprits généreux sans doute , mais fâcheusement aven- tureux, prétendre que l'enfant sourd-muet puisse recevoir la mesure d'instruction dont il a besoin , côte à côte avec son frère entendant, et grâce au simple instinct d'imita- tion, dont il peut, en effet, être reconnu doué à un degré supérieur. Si heureuse qu'ait été la simplification appor- tée à la méthode, on ne peut, devant aller chercher cet