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En 1771, ainsi que nous l'avons dit, le nouvel institu- teur produisait, pour la première fois, ses élèves dans un exercice public, lequel avait lieu dans sa maison, qui sub- siste encore , rue des Moulins, n° 14. Trois exercices semblables se succédaient, en 1772, 1773 et 1774. En 1776, paraissait le volume dont nous avons déjà fait men- tion. En 1784, l'ouvrage reparaissait, avec un certain nombre d'additions , en même temps que de suppressions, sous le titre de : La véritable manière d'instruire les sourds- muets , confirmée par une longue expérience.

Le principe qui forme la base de la méthode de l'abbé de l'Epée est exposé par lui dans le mémoire en forme de lettre qu'il fit imprimer avec le programme de l'exercice public de ses élèves pour 1772. « Les idées, y dit-il, n'ont pas plus de liaison naturelle avec les sons articulés qu'avec les caractères tracés par écrit. Ces deux moyens sont incapables par eux-mêmes de nous en fournir aucune. Il faut nécessairement qu'un genre d'expressions primiti- ves , et communes à tout le genre humain, leur donne de l'activité. » Ce genre d'expressions, il le trouve dans le langage des signes, qui « est, dit-il, plus expressif que tout autre, parce qu'il est plus naturel. »

L'abbé de l'Epée suivit-il la voie philosophique dans laquelle, avec ce point de départ, il paraissait entrer ? Nous sommes obligés de répondre par la négative, quand nous le voyons associer, à l'expressive mimique naturelle de ses élèves, l'incommode bagage de ses signes méthodi- ques , à la détermination desquels la logique a si peu de part, et qui tout en permettant de faire au sourd-muet des dictées littérales, le laisse, du moment où on l'aban- donne à lui-même, à peu près dans l'impossibilité de ren- dre par écrit ses propres idées.

L'inventeur des signes méthodiques trouva dans son coeur d'apôtre ce dévouement à l'élève qui sera toujours la première condition à remplir par l'instituteur de la jeunesse ; mais il est à regretter que, tout entier à l'idée des intérêts célestes des âmes qu'il rendait à la religion , il négligeât quelque peu les intérêts temporels des citoyens qu'il espérait, cependant, rendre en même temps à la société.