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Croyant inutile d’amener ses religieux avec lui, et voulant du reste leur éviter les fatigues d’un pénible voyage, Guillaume les laissa dans la forêt et se prépara à partir pour Rodez. Mais avant de se séparer d’eux, comme un tendre père qui pourvoit à tout pour le bien de ses enfants, il voulut les installer dans cet ancien bois des druides, en leur donnant pour abri et pour demeure de petites cellules faites avec des branches d’arbres de la forêt (in casulis habitando) ; ensuite Guillaume fléchit le genou et adresse à Dieu cette prière :

« Seigneur, qui as fait le ciel et la terre, qui te rends aux voeux de celui qui t’implore et sans lequel sont inutiles tous les efforts de la faiblesse humaine ; si tu veux que des enfants de Saint-Benoît et de l’ordre de Cîteaux venus les premiers dans ce pays se fixent dans cette solitude pour y produire des fruits de vie qui devront se répandre dans les contrées environnantes, fais-nous le connaître par ta protection, en nous rendant capables de mener à bonne fin l’oeuvre que nous allons entreprendre. »

Puis, se sentant comme inspiré et consolé par sa prière faite sur le petit mamelon, il prit le chemin de Rodez, accompagné seulement de deux moines[1].

Il est rapporté dans le cartulaire de saint Pierre de Moissac, que vers 959, saint Mainfroi (sanctus Mangofredus sanctitate approbata), y avait fondé, non loin de l’endroit où s’élèvent les cellules, une chapelle afin d’instruire la population de ces lieux restée encore sauvage. Ainsi, nous l’avons déjà dit, à la suite des guerres féodales, ces bois se trouvant remplis de malfaiteurs, la chapelle finit par devenir un lieu de refuge ouvert à ces bandes de voleurs et d’assassins.

C’est cette église profanée depuis plus d’un siècle, que

  1. Ce petit mamelon touche à l’église de l’abbaye du côté du nord. Les cellules furent premièrement bâties à cinquante pas de ce lieu, dans le bois qui se trouve à gauche du chemin en allant au domaine de la Gaspare; il y a encore aujourd’hui dans ce petit ravin un bois solitaire très ombragé et très recueilli.