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assisté à ce fameux concile de Clermont, et avoir accompagné Urbain II à celui de Limoges, par l'autorité de sa parole puissante et animée, excitait tous les fidèles valides de son diocèse à partir pour la croisade. D'ailleurs la plupart des Rouergats, qui étaient partis pour l'Orient, avaient péri dans cette expédition, ou y étaient restés pour s'attacher à la fortune de Saint-Gilles ou des autres seigneurs du pays qui étaient à leur tête.

Voulant s'assurer la conquête définitive de Jérusalem, les chrétiens avaient encore bien des combats et des villes à prendre sur les Sarrasins. Aussi l'Orient ne cessait tous les ans de demander à l'Occident de nouveaux soldats et de nouveaux sacrifices. C'est pourquoi tous ceux qui, dans notre pays du Bas-Rouergue, n'aimaient point le métier de la guerre et les expéditions lointaines, allèrent se réfugier, pour échapper à la contrainte de leur nouveau Seigneur, dans cette grande et épaisse forêt qui couvrait tout le Causse ; d'autres pour se soustraire à l'ironie des jeunes filles qui, alors, envoyaient une quenouille aux jeunes hommes qui ne se croisaient pas, se cachèrent aussi dans cette forêt.

Du reste de tout temps elle avait servi de retraite aux malfaiteurs qui y trouvaient un asile pour assurer leur impunité, ou à des serfs fuyant une dure servitude. Et c'est à cause des crimes nombreux qui s'y commettaient que l'on avait donné à cette forêt le nom de lucus diaboli ou bois du diable.

Ces réfugiés formèrent des bandes qui ne vivaient que de chasse ou de pillage. A un signal donné, ces hommes partaient pour aller sur les chemins détrousser les voyageurs ou les rançonner, ou bien encore, ils se répandaient dans les campagnes pour faire main-basse sur les récoltes et les troupeaux. Puis, emportant le produit de leurs rapines, ils rentraient dans la forêt, se partageaient le butin.

La forêt fut longtemps peuplée de ces bandes dangereuses, et les cabanes qui s'y étaient construites formèrent les premiers villages de la contrée. Peu à peu, le pays ayant été défriché, ces villages se sont trouvés à découvert et se sont agrandis. Telle a été l'origine de Maroule,