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repris peu à peu leur empire et avaient fini par tout couvrir.

On nous pardonnera de nous arrêter là-dessus quelques instants, en nous bornant d'ailleurs à ce qui touche principalement la partie du Bas-Rouergue où se construisit l'abbaye de Locdieu, objet de notre travail.

Sous Jules César, d'après le calcul des savants, la Gaule était aussi peuplée relativement à son étendue que l'est aujourd'hui la France. Le pays des Ruthènes qui comprenait le Rouergue et l'Albigeois, d'après la statistique de ces mêmes auteurs, devait contenir la même population que les deux départements de l'Aveyron et du Tarn[1].

Au VIIIe siècle, la population du Rouergue se trouva réduite à un tiers de ce qu'elle avait été autrefois, par suite des persécutions atroces qu'elle eut à subir à cette époque de la part des Sarrasins qui s'étaient emparés de notre malheureux pays. Car, s'il faut en croire les historiens, ces Maures venus d'Espagne firent cinq principales excursions en Rouergue à partir de 719 jusqu'en 732 ; mais, disent ces mêmes écrivains, celle de 725 fut la plus désastreuse (Le Cointe, Annal. eccl.). Sous la conduite d'Ambiza, leur chef, ces barbares s'emparèrent de Rodez où ils exercèrent d'affreux ravages (Fleury, Hist. eccl. I — 24). De là se divisant en deux bandes, l'une alla saccager, brûler et piller le monastère de Conques[2] ; l'autre descendant les rives de l'Aveyron fut s'emparer du monastère de St-Antonin et y massacra 200 moines sur 400 qui s'y trouvaient[3].

  1. D'Anville, suivi dans son opinion par tous les géographes. Voir Le Moine, Commentaires de César, liv. I, page 499.
  2. Une charte de 838, donnée au monastère de Conques par Pépin, nous apprend ce grand pillage fait par les Sarrasins.
  3. On lit dans un manuscrit déposé aux archives de Conques, écrit par Bernard, écolatre, d'Angers, qui écrivait vers l'an 1020, qu'en 725 une troupe de Sarrasins, conduits par Ambiza, leur chef, s'étaient fortifiés dans le château fort de Balaguier (canton d'Asprières), d'où ils sortaient pour piller les lieux saints et persécuter les ecclésiastiques, les moines, « monachos, clericos et alios probos homines. »