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un cheval qui, traînant sa bride, semble s'être échappé des mains de son maître. Le métayer reconnaît aussitôt le cheval de la ferme et s'approche de lui. La bête se laisse prendre, et aussitôt celui-ci de la monter.

Non loin de là, notre cavalier trouve assise, au bord de la route et harassée de fatigue, une vieille femme attachée à la ferme et chargée d'apporter un sac de sel pour ses agneaux. La bonne vieille lui demande s'il ne peut pas la prendre en croupe car elle ne se sent pas la force, avec le poids qu'elle a à porter, de pouvoir arriver à Loc-Dieu avant la nuit.

Notre métayer y consentit volontiers. Quand on est arrivé tout près de la ferme, la vieille femme dit : « Vous avez là une bien bonne bête qui m'a rendu un grand service aujourd'hui, c'eût été dommage de la perdre. »

En vue du lac de Loc-Dieu, l'animal était comme attiré par la fraîcheur de l'eau et pressé par la soif d'une manière tellement vive, que le maître ne pouvant le retenir lui lâche les rênes du côté où il désirait aller boire. L'animal s'avance peu à peu dans le lac comme pour chercher une eau plus limpide. A mesure que le cheval boit, nos cavaliers s'aperçoivent que la bête se raccourcit peu à peu, au point que bientôt il n'y a plus de place pour eux sur le dos de la bête. La vieille femme se sentant glisser s'empresse de faire dévotement le signe de la croix... Au même instant le cheval s'aplatit et disparaît.... Le métayer, la vieille femme et le sac de sel tombent au milieu du lac.

Puis, de l'autre côté du rivage, contemplant tranquillement cette scène sur un tertre de gazon, notre drac, d'une voix railleuse, leur crie : Pla caoudets ! pla caoudets !

On a encore conservé dans le pays le souvenir des terreurs que causaient d'autres êtres fantastiques, tels que le loup-garou, les revenants, etc., et qu'il serait trop long de raconter ici.

On l'a dit avec vérité : l'homme aime le merveilleux. A défaut de poèmes qu'il ne peut pas lire, le peuple, et surtout celui des campagnes, se plaît à entendre le récit