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convenance de plus en plus sentie de n’avoir qu’une seule langue, celle de la nation, le latin était si outrageusement défiguré par beaucoup de ceux qui en faisaient usage, qu’il était urgent d’arrêter une décadence tournant manifestement au grotesque, et aussi des plus en opposition avec les règles du simple bon goût. Sous la plume de ces barbares d’un genre nouveau, ce n’était plus du latin de cuisine, mais bien du latin de souillarde, pour employer une expression triviale mais parfaitement vraie. Quatre citations, prises au hasard parmi un grand nombre d’autres, suffiront à le démontrer.

L’inventaire du mobilier et des cabaux d’une ferme, dressé par Rigal de Navarre, notaire de Marcillac en 1454, contient le passage suivant : Item octo animalia bovina tam vaquas, quam bravas, quam vedelas ; — item duodecim porcos tam parvos quam magnos, tam masculos quam femellos ; — item quatuor bacones salatos.

George Roquette, notaire d’Entraygues en 1458, disait à propos d’une maison dont la construction était donnée à prix fait : et reddere constructam, travatam et fustatam omnium necessariorum usque a la saralha sive a la clau.

Un de ses collègues d’Espalion, énumérant, en 1465, le mobilier de l’hospice de cette ville, mentionnait : quatuor taulas ; — unam dorcam tenentem quindecim coadas ; — unam botelham terre ; — unam tinam fusti colantem decem carteria.

Enfin Déodat Delfau, instrumentant à Saint-Côme en 1471, insérait ce qui suit dans une demande en modération de censive : Arnaldus Rigaldi dicebat et proponebat eidem nobili Guilhermo quod dicta vinea, superius confrontata et specificata, quolibet anno jalabat et moriebatur propter yemes et jelua sive jaladas tam in borris quam in soquis. Il est bon d’ajouter, à l’intention des lecteurs étrangers au patois, que le mot borris, bourrés dans l’idiome vulgaire, signifie les bourgeons, et le mot soquis, les ceps ou pieds de vigne.

Une fois la proscription du latin prononcée, la langue française, bannie jusqu’alors de nos contrées, y régna-t-elle en maîtresse exclusive et absolue ? Non assurément, car le vivace patois, dont l’ordonnance ne parlait point,