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Sous Charles ix.

s’il n’auoit intelligence auec vous ? Que vous pourroit il-faire, ſi vous n’eſtiez recelleurs du larron qui vous pille ? cõplices du meurtrier qui vous tue, & traitres de vous meſmes ? vous ſemez vos fruits, afin qu’il en face le degaſt. Vous meublez rempliſſez vos maiſons, pour fournir à ſes voleries. vous nourriſſez vos filles à fin qu’il ait dequoy ſouler ſa luxure. vous nourriſſez vos enfans, à fin qu’il les meine, pour le mieux qu’il face, en ces guerres : qu’il les meine à la boucherie : qu’il les face les miniſtres de ſes cõuoitiſes, les excecuteurs de ſes vengences. Vous rompez à la peine vos perſonnes, à fin qu’il ſe puiſſe mignarder en ſes delices, & ſe veautrer dans les ſales & vilains plaiſirs. Vous vous affoibliſſez, afin de le faire plus fort & roide, à vous tenir plus courte la bride. Et de tant d’indignitez que les beſtes meſmes, ou ne ſentiroient point, ou n’endureroyent point, vous pouuez vous en deliurer, ſi vous eſſaiez, non pas de vous en deliurer, mais ſeulement de le vouloir faire. Soyez reſolus de ne ſeruir plus, & vous voila libres. Ie ne veux pas que vous le pouſſiez, ny le branſliez, mais ſeulement ne le ſouſtenez plus, vous le verrez comme vn grand Coloſſe, à qui on à deſrobbé la baſe de ſon poids meſme fondre en bas, & ſe rompre.

Mais certes les médecins conſeillent bien, de ne mettre pas la main aux playes incurables : & ie ne fay pas ſagement, de vouloir en cecy conſeiler le peuple qui à perdu long temps y à toute conoiſſance, & duquel puis qu’il ne ſent plus ſon mal, cela ſeul monſtre