Page:Mémoires de l’estat de France, sous Charles neufiesme, 1578, tome 3.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
M.D.LXXIIII.
Eſtat de France

controuué, que non pas veritable ? Encores ce ſeul Tyran, il n’eſt pas beſoin de le combatre, il n’eſt pas beſoin de s’en defendre : il eſt de ſoy meſme desfait, mais que le pays ne conſente à la ſeruitude. Il ne faut pas luy rien oſter, mais ne luy donner rien. Il n’eſt point beſoin que le pays ſe mette en peine de faire rien pour ſoy mais qu’il ne ſe mette pas en peine de faire riẽ cõtre ſoy. Ce sõt dõc les peuples meſmes, qui ſe laiſſent ou pluſtoſt ſe font gourmander, puis qu’en ceſſant de ſeruir ils en ſeroyent quittes. C’eſt le peuple qui s’aſſeruit, qui ſe coupe la gorge : qui ayant le chois d’eſtre ſuiet, ou d’etre libre, quitte ſa franchiſe, & prend le ioug qui conſent à ſon mal, ou pluſtoſt le pourchaſſe. S’il luy couſtoit quelque choſe de recouurer ſa liberté, ie ne l’en preſſerois point : combien que ce ſoit ce que l’homme doit auoir plus cher, que de ſe remettre en droit naturel : & par maniere de dire, de beſte reuenir à homme. Mais encores ie ne deſire pas en luy ſi grande hardieſſe. Ie ne luy permets point, qu’il aime mieux vne ie ne ſçay quelle ſeureté de viure à ſon aiſe. Quoy ? ſi pour auoir la liberté, il ne luy faut que la deſirer : s’il n’a beſoin que d’vn ſimple vouloir, ſe trouuera-il nation au monde, qui l’eſtime trop chere, la pouuant gaigner d’vn ſeul ſouhait ? & qui plaigne ſa volonté à recouurer le bien, lequel on deuroit racheter au pris de ſon ſang ? & lequel perdu, tous les gens d’honneur doyuent eſtimer la vie deſplaiſante, & la mort ſalutaire ? Certes tout ainſi comme le feu d’vne petite eſtincelle deuient grand, &