Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 8.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

défendu très-vivement ; et l’un des hommes les plus doux et les plus inoffensifs que l’on ait connus fut long-temps exposé à des contradictions pénibles, et perdit le repos si nécessaire aux études philosophiques.

Une circonstance singulière, dont je ne puis omettre le récit, lui suscita l’agression la plus injuste et la plus violente à laquelle un professeur public puisse être exposé. Un étranger, qui devait un jour prendre une part affreuse à nos discordes civiles, Marat, puisqu’il faut le nommer, s’occupait alors des sciences physiques. Les écrits qu’il a publiés, remplis de pensées confuses et presque inintelligibles, semblaient déja attester le désordre de l’esprit. Il combattait, dans les Ouvrages optiques de Newton, non pas ce qu’il peut y avoir d’incertain ou d’imparfait, mais les conséquences les plus évidentes. Il se formait aussi une opinion singulière et non moins fausse des phénomènes électriques. Il se présenta dans l’appartement de M. Charles pour l’entretenir de ses opinions, qu’il appelait des découvertes. L’illustre professeur lui expliqua, avec sa clarté accoutumée, les principes des théories physiques qui étaient l’objet de la discussion ; mais celui-ci que rien ne pouvait convaincre, s’irrita de plus en plus. Il portait habituellement une épée, et, saisi tout-à-coup d’une colère violente, n’étant plus maître de lui, il tira cette arme et se précipita sur son adversaire ; Charles n’était pas armé, mais dans la force de l’âge, et d’une dextérité sans égale. Excité par l’imminence du péril, il saisit rapidement son ennemi, le terrassa en quelques instants, et brisa son épée sous ses pieds. Après cette lutte violente, Marat s’évanouit : on crut qu’il allait expirer. M. Charles appela les voisins pour le secourir ; il le fit transporter dans son domicile et