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mettre qu’il continuât seul son voyage ; son but était d’atteindre une hauteur beaucoup plus grande. En effet, la force d’ascension s’étant subitement accrue, Charles prit congé des augustes témoins qui l’environnaient, et s’élança aussitôt dans la région des nuages. Après s’être élevé à plus de 1500 toises, il s’abaissa à son gré et sortit de la nacelle.

Le roi avait été informé de ce voyage, et l’on a conservé le souvenir des deux ordres différents qu’il donna à ce sujet. Louis XVI, cédant à une vive inquiétude, avait d’abord exigé que le magistrat de police s’opposât à cette ascension. On ignore comment la défense pût être éludée. Lorsqu’on apprit ensuite le succès de cette entreprise hardie, le roi fit donner à M. Charles, sur sa cassette, une pension assez considérable. Personne ne trouvera sans doute que ces deux décisions fussent contradictoires : l’une et l’autre portent l’empreinte du caractère de cet excellent prince.

Je ne puis rappeler dans ce discours les ascensions aérostatiques qui suivirent celle de Charles ; elles ont donné à toutes les grandes villes de l’Europe l’un des spectacles les plus étonnants que le génie de l’homme puisse imaginer. Mais l’utilité publique, condition nécessaire de toute gloire durable, n’a point encore consacré cette découverte, ou du moins on n’entrevoit que faiblement et dans un avenir incertain les avantages immédiats qu’en retirerait la société civile.

Quoi qu’il en soit, les sciences, plus hâtives que l’industrie, ont pu explorer l’atmosphère. Si l’on ne considère que la nouveauté et la grandeur des effets, quelles impressions plus vives l’’imagination pourrait-elle recevoir !

On a vu d’une hauteur immense les campagnes cultivées, les villes, les lacs, les côtes, le lit des mers, paraître et fuir Histoire.