Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 8.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui donnait autant de douceur que de lumières, et ne lui laissait voir que des enfants dont les sentiments répondissent à ceux qu’il désirait lui inspirer. M. de Chabannes, évêque d’Agen, et ami de M. de Laville, le secondait dans ces attentions recherchées il recevait le jeune Lacépède, l’encourageait dans ses études, et lui permettait de se servir de sa bibliothèque. Mais tout en ayant l’air de ne pas le gêner dans le choix de ses lectures, M. de Chabannes et M. de Laville s’arrangeaient pour qu’il ne mît la main que sur des livres excellents. C’est ainsi que pendant toute sa jeunesse il n’avait eu occasion de se faire l’idée ni d’un méchant homme, ni d’un mauvais auteur. À douze et à treize ans, selon ce qu’il dit lui même dans des Mémoires que nous avons sous les yeux, il se figurait encore que tous les poètes ressemblaient à Corneille ou à Racine, tous les historiens à Bossuet, tous les moralistes à Fénélon ; et sans doute il imaginait aussi que l’ambition et le désir de la gloire ne produisent pas sur les hommes d’autres effets que ceux que l’émulation avait fait naître parmi ses jeunes camarades.

Les occasions de se désabuser ne lui manquèrent probablement pas pendant sa longue vie et dans ses diverses carrières mais elles ne parvinrent point à effacer tout-à-fait les douces illusions de son enfance. Son premier mouvement a toujours été celui d’un optimiste qui ne pouvait croire ni à de mauvais sentiments ni à de mauvaises intentions ; à peine se permettait-il de supposer que l’ou pût se tromper ; et ces préventions d’un genre si rare l’ont dirigé dans ses actions et dans ses écrits non moins que dans ses habitudes de société.

Plus d’une fois, dans ses ouvrages, il lui est échappé quelque erreur pour n’avoir pas voulu révoquer en doute le témoi-