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ÉLOGE HISTORIQUE

construit un laboratoire ; il y formait à la science des jeunes gens dont il avait pressenti le mérite, et plus d’un chimiste aujourd’hui renommé lui a dû la première direction de son génie. Il y exerçait une noble hospitalité envers les chimistes étrangers, et même envers ceux d’entre eux qui avaient le plus combattu ses idées ; car il possédait par-dessus tout cette qualité plus rare encore que le courage et que la modération dans les désirs, de ne point repousser la vérité, quand elle lui venait d’autrui. On a vu un homme célèbre qui avait été de ses antagonistes, et qui ne l’abordait pas sans quelque embarras, surpris et pénétré jusqu’aux larmes de l’accueil que lui fit ce vieillard respectable.

Le monde savant doit à ces réunions les trois excellents volumes connus sous le titre de Mémoires de la société d’Arcueil. M. Berthollet fut le promoteur et le président de cette société. Il y trouvait dit-il dans sa préface, la douce satisfaction de contribuer encore à la fin de sa carrière aux progrès des sciences auxquelles il s’était dévoué, plus efficacement qu’il n’aurait pu le faire par ses propres travaux ; dernier trait de modestie, car les mémoires qu’il a insérés dans ces volumes ne sont inférieurs ni à ceux qui les avaient précédés, ni même à ceux de ses jeunes émules.

Il ne fallait rien moins qu’un grand chagrin domestique pour altérer le bonheur d’un tel homme ; et comme s’il ne devait point y avoir d’existence exempte de revers, il en éprouva un et des plus cruels, la mort de son fils unique arrivée avec des circonstances déchirantes. Dès-lors toute gaieté fut perdue pour lui. Pendant le peu d’années qu’il survécut, son air morne et silencieux contrastait péniblement avec ses habitudes antérieures ; on ne le vit plus sourire ;