le temps qui m’est accordé ne me permet rien de plus. Mais combien d’hommes célèbres pourraient-ils en fournir une aussi longue, et quel est celui que l’on puisse offrir avec une plus belle liste aux hommages de la postérité ?
Lorsqu’on est entouré d’un tel cortége, et que l’on a une place aussi assurée dans l’opinion et dans la reconnaissance publique, il n’est pas difficile de conserver le calme de l’esprit, et de n’être point troublé par les choses du dehors. C’est une tranquillité dont M. Berthollet a joui peut-être plus qu’aucun homme dans sa position. Toujours prêt à remplir ses devoirs, toujours courageux, mais toujours désintéressé, ce qui lui arriva d’heureux ne fut point provoqué par ses sollicitations, et son propre avantage ne le retint jamais quand il lui fut possible d’empêcher le mal d’autrui. Dans le temps où la terreur régnait seule en France, il ne craignit point de dire la vérité à ceux dont un mot donnait la mort ; et l’affection qu’à une autre époque lui montra l’homme qui distribuait des couronnes, ne l’engagea point à lui faire sa cour.
Peu de temps avant le 9 thermidor, lorsque des hommes de sang en étaient venus à supposer à chaque instant des conspirations, même sans intérêt, et comme pour s’entretenir dans l’habitude du crime, un dépôt sableux, trouvé dans des barriques d’eau-de-vie destinées à l’armée, fit avancer qu’on avait voulu faire périr les soldats, et déjà nombre d’individus étaient dans les fers et attendaient leur sentence. M. Berthollet, chargé d’analyser cette eau-de-vie, prouva, dans un rapport raisonné, qu’elle ne contenait rien de nuisible. Le comité de salut public, dont ce rapport dérangeait les plans, fait venir l’auteur : « Comment oses-tu soutenir, lui dit Ro-