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ÉLOGE HISTORIQUE

pour les fixer y sont exposées en détail ; ce que l’on connaissait de plus avantageux alors y est expliqué ; et ce qui vaut mieux encore on y trouve les idées qui peuvent conduire à découvrir des pratiques plus simples ou plus efficaces. Il y indique par exemple comment on peut appliquer le bleu de Prusse à la laine et à la soie, et de sa seule indication est né ce genre de teinture que l’on nomme le bleu raymond. Ce livre est depuis 30 ans le manuel de tous ceux qui pratiquent les arts qu’il enseigne ; et pour en apprécier les effets, il suffirait de dire que l’Inde, qui seule nous envoyait autrefois des toiles bien colorées, reçoit aujourd’hui les nôtres.

Ces phénomènes singuliers, ces applications de la science à la pratique, avaient fait de M. Berthollet, lorsque la guerre de la révolution éclata, le chimiste le plus connu du public, après Lavoisier ; et il était presque impossible que l’on ne recourût pas à lui au moment où la chimie devint pour la guerre un auxiliaire de première nécessité, et lorsqu’il fallut demander à notre sol le salpêtre, la potasse et jusqu’aux matières colorantes ; qu’il fallut apprendre à faire en quelques jours toutes les opérations des arts. Chacun se souvient de cette prodigieuse et subite activité qui étonna l’Europe, et arracha des éloges même aux ennemis qu’elle arrêta. M. Berthollet et son ami M. Monge en furent l’âme. C’était d’après leurs instructions que cet immense mouvement était dirigé. Les chimistes que l’on chargeait des essais devenus nécessaires pour tant de procédés nouveaux, ne travaillaient que sur leurs indications ; et l’on dit que s’ils avaient voulu suivre tous les secrets qui se révélèrent à eux, des moyens destructifs plus intenses qu’aucun de ceux que l’on possède seraient sortis de leurs laboratoires.