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ÉLOGE HISTORIQUE

de mise avec ces vieux chimistes entêtés de la méthode arbitraire et vague dans laquelle ils avaient toujours raisonné. Imaginerait-on, par exemple, que cette même année 1780, et à l’occasion d’un Mémoire où M. Berthollet annonçait ce fait aujourd’hui si connu, et que la théorie de Lavoisier explique si aisément, qu’en traitant le verre de plomb par le charbon on obtient beaucoup d’air, quoique chacune de ces substances traitée à part n’en donne que très-peu, un docteur Cornette disait gravement à l’Académie que le charbon est obligé, pour réduire le plomb, de se convertir en terre, et d’abandonner l’air qu’il contenait ? Ce n’était pas seulement dans ces suppositions ridicules que l’on se jetait pour soutenir un édifice ruiné : l’envie n’agissait pas moins que l’attachement aux vieilles habitudes. On déterrait, pour chagriner Lavoisier, tous les vieux livres où pouvaient se trouver quelques idées analogues aux siennes ; et pénétré, comme il était impossible qu’il ne le fût pas, du sentiment de sa force, en parlant avec cette réserve, il donnait moins encore une leçon de modestie que de patience.

Peut-être aussi, dans ce qui regardait M. Berthollet, ne voulait-il pas rebuter par trop de rigueur un esprit dont il mesurait déjà la portée, et ne se croyait-il pas bien assuré que, parmi ces explications hasardées et ces faits mal éclaircis, il ne se trouvât quelques germes de vérités qui se développeraient plus tard.

En effet, il s’y en trouvait qui lui servirent à lui-même à compléter sa théorie.

Ainsi M. Berthollet, dans le premier des Mémoires qu’il présenta, où il traitait de l’acide sulfureux[1], montrait qu’il

  1. Lu le 5 décembre 1777 ; Rapport le 7 janvier 1778.