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DE M. LE COMTE BERTHOLLET.

hommes de talent auxquels il a dû un poids dans la balance de l’Europe, et un rang dans la république des lettres, si supérieurs à ce que l’on devait naturellement attendre de son étendue et de sa population.

À même, comme ses camarades, de choisir parmi des carrières dont quelques-unes pouvaient le conduire aux plus hautes dignités de l’Église et de l’État, M. Berthollet s’en tint à la plus modeste. Il s’attacha à la médecine, moins encore pour les avantages qu’elle pouvait lui offrir, que par l’attrait irrésistible qui l’entraînait déjà vers les sciences sur lesquelles elle repose. Ce même attrait, aussitôt qu’il eut pris ses degrés, le fit accourir à Paris, seule ville où il crût pouvoir satisfaire à son aise la passion qui le dominait.

Il n’y avait ni connaissances ni recommandations ; mais le célèbre médecin genevois Tronchin, membre étranger de cette académie, y jouissait au plus haut degré de la faveur publique ; et le jeune Savoisien pensa que, né si près de Genève, ce voisinage l’autorisait à se réclamer de ce demi-compatriote. Son assurance ne fut pas trompée. Prévenu par son air franc et sa tournure réfléchie, s’attachant à lui à mesure qu’il le connut davantage, Tronchin en fit en quelque sorte son enfant d’adoption ; et pour lui assurer d’abord une existence tranquille, il engagea le duc d’Orléans Louis-Philippe, aïeul du duc actuel, près duquel il pouvait tout, à le prendre pour l’un de ses médecins ordinaires.

Ce n’était point le détourner des sciences que de le placer dans une maison où elles étaient héréditaires. Le régent avait travaillé personnellement aux expériences de chimie avec Homberg ; son fils s’était beaucoup occupé de minéralogie ; et Guettard, qui l’avait secondé, était demeuré au service