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sante ; on dirait que les hommes qui ont le bonheur d’y attacher leur nom appartiennent à une race privilégiée ; leurs disciples, ceux dont la jeunesse a été témoin de ce grand mouvement, croient voir en eux des êtres supérieurs ; et lorsque le temps arrive où ils doivent successivement payer le tribut à la nature, la génération qui demeure pleure en eux une race de héros qu’elle désespère de voir jamais égaler.

Telle a été incontestablement pour les sciences naturelles la fin du dix-huitième siècle.

Les lois du mouvement réduites à une seule formule ; le ciel soumis tout entier à la géométrie ; ses espaces s’agrandissant et se peuplant d’astres inconnus ; la route des globes fixée plus rigoureusement que jamais et dans le temps et dans l’espace ; la terre pesée comme dans une balance ; l’homme s’élevant dans les nues, traversant les mers sans le secours des vents ; les mystères compliqués de la chimie ramenés à quelques faits simples et clairs ; la liste des êtres naturels décuplée dans tous les genres ; leurs rapports établis d’une manière irrévocable sur l’ensemble de leur structure interne et externe ; l’histoire même de la terre dans les siècles reculés étudiée enfin sur des monuments, et non moins étonnante dans sa vérité, qu’elle avait pu le paraître dans des conceptions fantastiques… ; spectacle magnifique et inoui qu’il nous a été donné de contempler, mais qui nous rend aussi bien amère la disparition des grands hommes à qui nous en sommes redevables ! Peu d’années ont vu descendre au tombeau les Lavoisier, les Priestley, les Cavendish, les Camper, les de Saussure, les Lagrange ; et qui ne serait effrayé de l’accélération de nos pertes, lorsque quelques mois nous enlèvent Herschel et Delambre, Haüy et Bertholet, et qu’à