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éloge historique

à des hommes de tous les rangs qui l’ont disséminée à leur tour sur tous les points de la France et de l’Europe. Une grande partie du jardin a été appropriée à cet usage. On y a disposé dans des carrés distincts des plantes céréales, potagères ou autres. On y a donné des exemples des diverses sortes de haies vives ; toutes les greffes imaginables y ont été pratiquées, et il en est résulté des faits très-importants pour la physiologie végétale, en même temps que des variétés nouvelles et agréables de fruits et de fleurs. M. Thouin y a fait, en un mot, tout ce qu’il était possible de faire dans un petit espace, et a donné à pressentir le parti que l’on pourrait tirer d’un établissement plus étendu.

Dans l’antiquité païenne, de pareils bienfaits se récompensaient par des autels ou par des statues. M. Thouin ne rechercha pas même les honneurs plus humbles que nous leur cernons, ou ne les reçut qu’avec regret. Sa modestie et sa réserve ont été sans égales. Jamais il ne se refusa à aucun travail, et jamais il ne demanda aucune récompense. Ni à l’époque où il lui eût été plus facile qu’à personne de s’appuyer de la faveur du peuple, ni à celle où les hommes en pouvoir n’auraient pas mieux demandé que de s’honorer eux-mêmes en l’élevant, il n’a voulu être ou paraître que ce qu’il avait été dès l’enfance. Les moyens qui lui avaient suffi à dix-sept ans pour nourrir et élever sa famille, devaient, disait-il, lui suffire lorsque ayant placé chacun de ses frères et sœurs, il n’avait plus à songer qu’à lui-même. La vanité n’agissait pas plus sur lui que l’intérêt : sa mise fut toujours aussi simple que sa vie ; il trouvait que des décorations et des broderies allaient mal à un jardinier, et nous l’avons vu, un jour qu’il devait haranguer un souverain au nom de