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éloge historique

1786 jusqu’en novembre 1787. Il réussit à se procurer dans l’île de Sainte-Croix l’eugenia expetita, fruit délicieux, qui fait aujourd’hui l’ornement des plus beaux desserts.

Il vint enfin des temps meilleurs. Un autre gouverneur, M. de Villebois, se trouva être un homme bienveillant et éclairé. À peine eut-il entendu M. Richard qu’il abrogea les restrictions odieuses mises à la culture par son prédécesseur ; et pendant le peu de temps que notre botaniste demeura sous ses ordres, aucune entrave ne fut plus mise à ses opérations. D’ailleurs, quand il était par trop excédé des vexations qu’il éprouvait, M. Richard se consolait par des recherches de pure histoire naturelle. Les habitudes agrestes de son ancien métier lui permirent des excursions qui auraient effrayé des naturalistes de cabinet. Bon chasseur et habile tireur, il ne redoutait ni les forêts les plus épaisses, ni les marécages les plus malsains. Deux fois ses chiens furent dévorés par ces énormes serpents, qui, du haut des arbres, guettent les animaux, et se jettent même quelquefois sur les hommes. Un talent qu’il eut surtout fut de s’attirer l’amitié et la confiance des sauvages. Ils l’aidèrent dans ses chasses, l’admirent dans leurs cases, et ne se cachèrent point de lui dans leurs pratiques les plus secrètes. C’est ainsi qu’il découvrit que si on les a long-temps crus naturellement imberbes, et si l’on a fondé sur cette erreur des systèmes nombreux et bizarres, c’est tout simplement parce qu’ils s’arrachent avec un soin superstitieux le moindre germe de poil à mesure qu’il se montre. Ils emploient pour cela, au lieu de pinces, les valves d’une espèce particulière de moules.

Ces excursions prolongées, celles qu’il fit au Brésil et dans les Antilles, procurèrent à M. Richard des collections consi-