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de m. richard.

Sonnerat avaient fait dans les Moluques ; et il lui coûta presque autant de peines pour donner le giroflier à la Martinique que ces courageux citoyens en avaient pris pour le procurer à l’Île-de-France. Il arriva même qu’un navire expédié de l’Île-de-France, ayant apporté un certain nombre de plants que l’on croyait du vrai poivrier, ce gouverneur n’eut pas honte de faire entendre que si on voulait les multiplier, ce serait pour lui et sur son habitation privée. Il avoua même que déja il avait fait préparer un terrain à cet effet par les noirs du Roi. Je n’ai pas besoin de dire comment une telle insinuation fut reçue d’un jeune homme qui, dès l’âge de treize ans, avait montré un caractère si ferme. Aussi vit-il chaque jour les contrariétés s’accroître. Il fallut qu’il fît le bien malgré ses supérieurs, comme il s’était fait botaniste malgré ses parents ; et toutefois son activité prévalut encore assez sur les obstacles pour qu’il ait rendu, dès ce premier temps, de grands services à la colonie. Il lui fut permis du moins de soigner et de répandre quelques végétaux que le gouverneur n’avait pas jugés dignes de sa sollicitude exclusive. Le litchi (scytalia litchi), le sagoutier (sagus palmapinus), le jamier ou pomme rose (eugenia jambos), le manguier (mangifera indica), n’eurent à vaincre pour se multiplier que l’indolence naturelle aux colons. Le bambou, dont l’utilité fut plus promptement sentie, fut cultivé partout ; et l’on en a aujourd’hui en abondance et d’énormes. Ayant trouvé en 1785 l’occasion de faire un voyage au Brésil, M. Richard en rapporta à Cayenne le talin ou pourpier du Para (talinum oleaceum), herbe charnue, tendre, un peu acidule et rafraîchissante, qui donne une salade agréable. Il se rendit ensuite dans les Antilles, et y passa depuis le mois de février