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   saule de celui de Scopoli, que Willdenow regarde, peut-être avec raison, comme spécifiquement différent. Ce qu’il y a de certain, c’est que la figure du S. serpyllifolia ne convient nullement à notre espèce.
Au reste, ce nain des arbres, étalé ici et couché comme du serpolet, en tirerait son nom tout aussi bien que l’autre. C’est à la faveur de sa stature qu’il se dérobe à la froidure des hivers, tapi sous la neige qui le couvre sept ou huit mois de l’année. Sur la pente même du Pic, nul arbrisseau n’oserait s’élancer dans l’atmosphère. Dans le petit nombre de ceux qu’on y rencontre, celui qui s’est le plus hasardé est un vieux genévrier, tortu, rabougri, tout couché et collé contre terre, près le trou de Montariou, à mètres au-dessous du sommet et environ toises au-dessus du niveau de la mer. Il y est demeuré seul depuis des siècles, dominant à peine les touffes du Vaccinium uliginosum qui rampe autour de lui.
Un saule est, au sommet du Pic, le représentant unique de la tribu des amentacées. À toises au-dessous, sur les bords du lac d’Oncet, un autre saule, le Salix herbacca, la représente à son tour ; et l’échelle des végétaux distribués de la base au sommet du Pic, a pour limites deux arbrisseaux qui ne s’élèvent pas à la hauteur des herbes.
Notre saule paraît être un des aliments favoris du Lagopède. Ce bel oiseau habite ici, comme dans les hautes Alpes, comme sur les montagnes les plus élevées de l’É\cose (car le ptarmigan de Pennant n’en paraît pas différent), comme il habite même l’île Melville, si toutefois celui dont nous parlent les voyageurs n’est pas l’espèce que Buffon distingue du nôtre et qu’il nomme lagopède de la baie de Hudson. J’ai ouvert l’estomac de quelques-uns de nos lagopèdes. Je n’y ai trouvé ni le Rhododendron dont les auteurs le disent avide, ni le Meum qui l’attire, à en croire les gens du pays : : mais j’y ai reconnu des sommités fleuries de Lepidium alpinum, des calices de Solidago virgaurea ou minuta, des feuilles de Plantago alpina hachées menu, des graines de Carex pyrenaïca, et beaucoup de jeunes pousses de Salix retusa. A-t-on vérifié de quoi avaient pu vivre ceux que l’on a tués en plein hiver, dans l’île Melville ?