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Il6 ÉTAT DE LA VÉGÉTATION

dois à une circonstance pareille d’avoir été témoin de l’un des plus rares phénomènes que m’ait offert l’atmosphère de ces hautes régions.

Je montai au Pic, le 8 août 1793 avec un ciel pur et le plus beau soleil. Arrivé à la cime, à trois heures et demie après midi, je trouvai non-seulement la plaine entièrement couverte de nuages, mais ces nuages pressés contre l’escarpement septentrional de la montagne, et se dressant perpendiculairement sur ma tête à une hauteur que je n’estime pas moindre de cent cinquante mètres. La distance était facile à mesurer trente pas, au plus. Sur cet immense rideau, dont la surface était parfaitement plane, se projetait mon ombre, celles de trois personnes qui m’accompagnaient, et l’ombre du tronçon de sommet au haut duquel nous étions ’placés le tout environné d’un iris dont le diamètre m’a paru de quarante degrés au moins, et à peu près égal à celui des halos que nous voyons autour de la lune. La continuité de cette vaste circonférence n’éprouvait d’autre interruption que celle d’un arc de quelques degrés, intercepté par l’image de notre piédestal. Les couleurs de l’iris étaient d’une vivacité admirable, et nos ombres d’une telle netteté qu’un miroir n’en aurait pas plus fidèlement représenté les contours. Nous contemplâmes ce tableau l’espace de trois quarts d’heure, sans qu’il éprouvât la plus légère altération. Sur ce rocher sous ce ciel, à la vue de ce magique spectacle, on eût cru assister vivant à son apothéose.

Bouguer avait autrefois observé, sur les Cordillières, un phénomène de même sorte, mais sous une forme très-différente (1). Ceux auxquels il s’est présenté depuis, l’ont presque

(1) Préface du Traité de la figure de la terre, p. 43.