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XXV

qui ont une vie bien plus complexe que les végétaux, ne puissent faire ce que font ces derniers : c’est un point de vue sentimental, mais non un argument sérieux ». Après les ratiocineurs vinrent les expérimentateurs, et il n’est peut-être pas de spectacle plus curieux et plus saisissant dans l’histoire des sciences physiologiques que celui de cette lutte entre un homme de génie, maître d’une vérité dont l’évidence nous semble aujourd’hui si claire, et un si grand nombre de contradicteurs, accourus de toutes les régions de la Science. Il n’est pas de spectacle plus instructif et, plus intéressant que la vue des efforts qu’il fait pour varier à l’infini ses preuves, pour envisager le phénomène sous tous ses aspects, montrer l’influence qu’ont sur lui tant de circonstances venant soit de l’organisme, soit de l’extérieur, et saisir, avec une étonnante précision, le point faible d’argumentations et d’expériences spécieuses, mais mal concues et mal conduites. »

Une expérience décisive vint, enfin, fermer la bouche à tous les contradicteurs et clore le débat. Si, à travers les vaisseaux sanguins d’un foie détaché du corps, l’on fait passer un courant d’eau, il arrive bientôt un moment où le foie, complètement lavé, ne contient plus trace de glucose ; mais, si on l’expose alors à une chaleur analogue à celle du corps, on y retrouve, après quelques heures, ce sucre en abondance. Il n’est pas possible, après cela, de nier la formation du sucre dans le foie, la glycogénie hépatique.

Claude Bernard ne s’en tient pas là. Il veut isoler la substance d’où provient le glucose, et il y parvient. Il arrive à extraire du foie un corps ternaire, un hydrate de carbone solide sous forme.de fins granules, une sorte d’amidon enfin, le glycogène, qui donne naissance au glucose sous l’influence d’un ferment soluble, d’une diastase spéciale, comme fait l’amidon des plantes sous l’influence de l’amylase. Puis, il cherche et trouve à la fois d’où vient le glycogène, à quelle dose il faut que le sucre existe dans le sang pour apparaître dans l’urine, comment il disparaît normalement, quelles circonstances l’empêchent de se former,