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fut heureusement conjuré grâce à l’habileté et aux soins des chirurgiens italiens. Mme Poincaré accourut nous retrouver à Rome et ramena son cher malade en France, à petites journées. De retour ici, notre Confrère reprit ses habitudes et ses travaux ; l’activité qu’il ne cessait de montrer nous permit d’espérer que tout danger était, pour longtemps, écarté. Il s’occupait toujours du problème des trois corps. Le 9 décembre 1911, il écrivait la lettre suivante à M. Guccia, directeur fondateur du Circolo matematico de Palerme, qui avait publié dans son Recueil, nous l’avons vu, quelques-uns de ses plus beaux Mémoires :


Mon cher ami,

Je vous ai parlé lors de votre dernière visite d’un travail qui me retient depuis deux ans. Je ne suis pas plus avancé, et je me décide à l’abandonner provisoirement pour lui donner le temps de mûrir. Cela irait bien si j’étais sûr de pouvoir le reprendre ; à mon âge, je ne puis en répondre, et les résultats obtenus, susceptibles de mettre les chercheurs sur une voie nouvelle et inexplorée, me paraissent trop pleins de promesses, malgré les déceptions qu’ils m’ont causées, pour que je me résigne à les sacrifier. Dans ces conditions, trouveriez-vous convenable de publier un Mémoire inachevé, où j’exposerais le but que j’ai poursuivi, le problème que je me suis proposé, et le résultat des efforts que j’ai faits pour le résoudre ? Cela serait un peu insolite ; mais cela serait peut-être utile. Ce qui m’embarrasse, c’est que je serai obligé de mettre beaucoup de figures, justement parce que je n’ai pu arriver à une règle générale, mais que j’ai seulement accumulé les solutions particulières. Dites-moi, je vous prie, ce que vous pensez de cette question et ce que vous me conseillez.

Votre ami dévoué,
Poincaré.


Il y a, dans cette lettre, une phrase sur laquelle on s’est appuyé pour dire que, depuis quelque temps, il avait les plus tristes pressentiments. Je ne saurais partager cette opinion ou, du moins, je la crois fort exagérée. Il est naturel que tout homme, atteint d’une maladie chronique, songe plus souvent qu’un autre à la fin inévitable. Mais aucun de nous n’a remarqué que notre Confrère fût réellement affecté.

Quoi qu’il en soit, et comme on peut bien le penser, M. Guccia s’empressa de réclamer le Mémoire qui lui était ainsi proposé. Un travail