C’est M. Félix Klein qui fit disparaître ces objections si sérieuses en montrant dans un beau Mémoire qu’une géométrie inventée par l’illustre Cayley, et dans laquelle c’est une conique appelée l’absolu qui fournit les éléments de toutes les mesures et permet, en particulier, de définir la distance de deux points, donne la représentation la plus parfaite, la plus adéquate, de la Géométrie non euclidienne.
D’autre part, une transformation des plus simples, connue depuis 1864, permet de transformer la géométrie de Cayley en une autre dans laquelle les lignes droites sont remplacées par des cercles normaux à une sphère fixe[1]. C’est cette géométrie qu’adopta Poincaré dans ses études philosophiques et dans ses travaux sur les fonctions fuchsiennes. Il sut lui donner la forme la plus saisissante, qu’on nous saura gré de reproduire.
Supposons, dit-il, un monde renfermé dans une grande sphère et soumis aux lois suivantes :
La température n’y est pas uniforme ; elle est maxima au centre et elle diminue à mesure qu’on s’en éloigne, pour se réduire au zéro absolu quand on atteint la sphère où ce monde est renfermé :
Je précise davantage la loi suivant laquelle varie cette température. Soit le rayon de la sphère limite ; soit la distance du point considéré au centre de cette sphère. La température absolue sera proportionnelle à
Je supposerai de plus que, dans ce monde, tous les corps aient le même coefficient de dilatation, de telle façon que la longueur d’une règle quelconque soit proportionnelle à sa température absolue.
Je supposerai enfin qu’un objet transporté d’un point à un autre dont la température est différente se met immédiatement en équilibre calorifique avec son nouveau milieu.
Rien, dans ces hypothèses, n’est contradictoire ou inimaginable. Un objet mobile deviendra alors de plus en plus petit à mesure qu’on se rapprochera de la sphère limite.
Observons d’abord que, si ce monde est limité au point de vue de notre géométrie habituelle, il paraîtra infini à ses habitants.
Quand ceux-ci, en effet, veulent se rapprocher de la sphère limite, ils se refroidissent
- ↑ Voir la traduction allemande du premier Ouvrage philosophique de Poincaré :
Wissenschaft und Hypothese. Autorisierte deutsche Ausgabe mit erlauternden Anmerkungen von F. und L. Lindemann. Zweite Auflage. Leipzig, Teubner, 1906, p. 258 et suiv.