Poincaré ne pouvait pas ne pas avoir conscience de la haute valeur de ses écrits ; d’autres auraient réclamé des récompenses, lui ne demandait rien. Nous le regardions tous comme le plus fort d’entre nous. Il n’a jamais cherché à nous devancer. Nul ne pouvait prévoir les vides nombreux que la mort allait faire dans la Section de Géométrie. Pour le faire arriver plus vite, pour lui ménager une place dans la Section d’Astronomie, on lui signalait les applications que les théories par lui découvertes pouvaient avoir en Mécanique céleste. Il suivait docilement ces indications, s’occupait du problème des trois corps, des figures des corps célestes, et trouvait tout naturel de laisser passer devant lui tous ses anciens.
Dès 1881, au moment du décès de Michel Chasles, la Section de Géométrie l’avait fait figurer sur ses listes de présentation. Il y avait été maintenu après les décès de Victor Puiseux, d’Alfred Serret, de Bouquet. La mort prématurée de Laguerre lui ménagea une place, et il fut élu, le 24 janvier 1887, par 31 suffrages sur 55 votants. Il entrait donc à l’Institut à l’âge de 32 ans.
Ce premier succès allait être suivi d’un autre non moins éclatant.
En 1885, le roi de Suède, S. M. Oscar II, préludant à la création de ces prix internationaux dont le nombre s’accroît chaque jour, avait résolu de décerner le 21 janvier 1889, soixantième anniversaire de sa naissance, un prix à une découverte importante dans le domaine de l’Analyse mathématique. Ce prix devait consister en une médaille d’or portant l’effigie du roi et en une somme de 2500 couronnes. Une Commission, composée de notre illustre Associé étranger K. Weierstrass, membre de l’Académie de Berlin, de notre maître Charles Hermite et du rédacteur en chef des Acta mathematica, M. Mittag-Leffler, professeur à l’Université de Stockholm, était chargée du soin